La crise sanitaire oblige à se poser des questions sur le monde d'après. Est-ce qu'un club de football pro est une entreprise comme les autres ?... Cette question est souvent posée à travers le prisme économique et fiscal. Les deux aspects sont souvent liés.
Démontrer qu'un club de football pro n'est pas un business rentable n'est pas un exercice difficile. Tous les grands clubs sont fortement endettés et les faillites seraient très nombreuses si la loi s'appliquait avec rigueur. Les paradis fiscaux existent dans plusieurs pays. En France, les transferts de joueurs sont plus coûteux que dans les pays voisins. La concurrence est faussée, ce qui explique la revendication des dirigeants français à vouloir bénéficier d'une taxation plus avantageuse. Le business du football pro est très particulier. En effet, les coûts croissent plus vite que les recettes. Les revenus sont majoritairement ceux des droits TV complétés par quelques partenariats commerciaux. La billetterie et la vente des produits dérivés atteignent rarement plus de 25 % du budget global.
Ces dernières années, le marché des joueurs pro a explosé avec l'arrivée de quelques milliardaires et les fonds d'investissement. En France, le Qatar possède le PSG, les investisseurs étrangers sont propriétaires de Marseille, Nice, Monaco...quant aux fonds d'investissement ils gèrent dorénavant le LOSC, Bordeaux et le RC de Lens. A qui le tour ?... A court terme, au regard du contexte économique lié à la crise sanitaire nous pourrions voir d'autres clubs en grande fragilité passés sous bannière étrangère. Dans ce panorama, il faut souligner la situation de Strasbourg. Ce club a été repris en 2011 par Marc Keller et une dizaine d'actionnaires. Actionnaire principal, l’ex-attaquant des Bleus a su attirer de nombreux partenaires locaux et permettre ainsi à ce club de retrouver sa place parmi l'élite. Nous espérons qu'une telle démarche inspire d'autres places fortes du football français.
La motivation des repreneurs étrangers et des fonds d'investissement n'est pas l'appât du gain compte tenu des résultats économiques. C'est bien l'image et l'attractivité de ce sport qui les motivent à investir. Toutefois, l'image n'est pas toujours porteuse lorsque les résultats ne sont pas au rendez vous. La pérennité de leur investissement devient alors très aléatoire.
Dans le football pro, il faut avoir de l'argent mais faire preuve aussi de cohérence managériale.
En cela, le foot pro ne diffère pas de ce que l'on peut observer dans d'autres secteurs d'activité. Toutefois, il est surprenant de voir certains repreneurs brûler les étapes et investir d'une manière inconsidérée. Hors de toute logique entrepreneuriale. L'échec le plus retentissant a été celui du Matra Racing. En 1982, Jean-Luc Lagardère ambitionne de faire de ce club un haut-lieu du football européen. Il fait signer des joueurs confirmés et talentueux comme Maxime Bossis, Pierre Littbarski, Enzo Francescoli, Luis Fernandez, David Ginola. Il prend Artur Jorge comme entraîneur. Cette opération va devenir très rapidement un fiasco sportif et financier de grande ampleur car le club ne va jamais être en mesure de construire une équipe compétitive. Plus grave encore, le club peine à attirer 10 000 spectateurs pour ses plus belles affiches. En 1989, l'aventure s'arrête piteusement. Lagardère reconnaît son échec. Il part sous le feu des critiques, accusé d’avoir gangrené le foot avec l’argent. C'est son plus grand échec en tant qu'entrepreneur. Lagardère découvre, à ses dépens, qu'un club de football pro n'est pas une entreprise comme les autres. Il est désolant de constater que cette leçon n'a pas évité de voir des dirigeants refaire une telle erreur.
Dans ce milieu, il faut savoir entreprendre avec passion et humilité. Garder à l'esprit que le football est un sport populaire. L'acteur clé de la réussite ce sont les supporters. Ils représentent le socle de l'institution...et pas une composante parmi d'autres. Certains dirigeants n'ont pas compris cette particularité. Ils continuent à manager sans tenir compte de ce que veulent ou peuvent apporter les supporters du club. La crise sanitaire montre bien que le football à huis clos est totalement désincarné. Sans supporters, le football perd de sa magie. Les joueurs sont les premiers à le reconnaître. Impossible de se sublimer devant des tribunes vides.
Il n'existe pas de grands clubs sans les supporters. Le Bayern de Munich affichent 300 000 adhérents. La réussite sportive n'est jamais le fruit du hasard. Pour ce club, elle repose sur ce socle extraordinaire de supporters et sur le partenariat avec les entreprises locales. Les individualités doivent se mettre au service du collectif... et pas l’inverse.
Le football pro n'est pas une entreprise comme les autres.
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